• 8 février 2023
  • 4  min

Louise Lesparre : valoriser la diversité de l’agriculture française

Souvent erronée, la vision qu’ont les citadins du monde agricole lui porte parfois préjudice. Face à ce constat, Louise Lesparre, animatrice du podcast « La Clé des Champs » et du podcast du Salon de l’Agriculture (« Agricultivez-vous »), s’appuie sur cet outil audio pour rendre l’univers de nos agriculteurs plus accessible.

Comment le podcast « La Clé des Champs » est-il né ?

J’ai grandi dans les Landes, au sein d’une famille d’agriculteurs. Après mes études, j’ai commencé ma carrière professionnelle à Paris. En discutant avec mes collègues, j’ai ressenti un véritable fossé entre nos connaissances du monde agricole : ce qui était évident pour moi ne l’était pas forcément pour eux. Durant le COVID, le chômage partiel m’a offert beaucoup de temps libre. Alors que j’écoutais déjà beaucoup de podcasts, j’ai décidé d’en lancer un sur le monde agricole, trop peu souvent abordé. Même si les choses évoluent, son traitement médiatique est rarement à la hauteur de ses enjeux. Il est souvent trop manichéen, opposant agriculture biologique et agriculture conventionnelle sans nuances. En réalité, il faut de tout pour nourrir la planète. Avec « La Clé des Champs », j’ai rencontré plus de 100 profils différents. L’objectif est de montrer la diversité du secteur en France : donner la parole à des éleveurs de plein air comme à ceux qui privilégient la méthode qu’on juge industrielle. Ce podcast est un espace qui leur permet de s’exprimer sur leurs choix, parcours et passions, mais aussi sur les sujets qui fâchent : les pesticides, le bien-être animal… Rester objective et vulgariser ce type de sujet demande un travail de recherche important : croiser les informations pour avoir le moins de biais possible, etc.

Pourquoi le monde agricole reste-t-il aussi mal connu des Français ?

Quand on évoque le métier d’agriculteur, la plupart des Français ont en tête une image positive : celle du producteur local bienveillant aux méthodes traditionnelles. Des clichés essentiellement véhiculés par la publicité, qui creuse l’écart entre la réalité du terrain et l’image qu’en a le grand public. Or, une transition importante s’est opérée dans le secteur : les agriculteurs ne représentant plus qu’1,5% de la population active française, l’amélioration de la productivité a été un passage obligé pour pouvoir produire des quantités suffisantes. Lorsque les consommateurs découvrent cette réalité, ils tombent de haut et ont l’impression d’avoir été trahis. En témoigne la vague d’agri-bashing (critique du mode de production agricole intensif) qui est montée en 2016. Les torts sont partagés car les agriculteurs communiquaient jusqu’ici peu sur leurs exploitations. Même si ce n’est pas leur métier, la communication est aujourd’hui devenue un enjeu fondamental pour le secteur ! De plus en plus de jeunes agriculteurs, comme Lucie Gantier, éleveuse de poules pondeuses (Les Jolies Rousses), l’ont compris et prennent la parole sur les réseaux sociaux. Grâce à des vidéos montrant les coulisses de leur production, ils sensibilisent le grand public à leurs enjeux et questionnements quotidiens.

Le métier d’agriculteur fait-il encore envie ?

On compte aujourd’hui 400 000 agriculteurs en France. La transmission constitue un véritable enjeu, surtout lorsqu’on sait qu’un tiers des agriculteurs qui prennent leur retraite ne sera pas remplacé. Le métier peine à attirer car il implique un temps de travail élevé, des revenus instables et une véritable posture de chef d’entreprise. Il se complexifie aussi avec la modernisation des exploitations, qui fait apparaître de nouveaux enjeux : produire à grande échelle tout en ayant un impact positif sur l’environnement, et en maintenant des prix accessibles. En parallèle, les citoyens démontrent une certaine envie de retourner à l’essentiel, en optant parfois pour la reconversion. Mais certains font ce choix en ayant une vision idéalisée du secteur et sans s’organiser en amont. Cet engouement est une bonne nouvelle, mais pour ne pas échouer, un tel projet doit se préparer intelligemment.

En quoi le podcast est-il un medium pertinent pour donner la parole aux agriculteurs ?

Le podcast a l’avantage de toucher une cible urbaine et de proposer un temps d’écoute plus long que les autres médias. Ceux qui en écoutent sont prêts à prendre le temps d’apprendre et acceptent la complexité des sujets. Son côté immersif est également intéressant : grâce au travail sur le son, on donne l’impression à l’auditeur qu’il est embarqué avec nous. Surtout dans le domaine agricole, dans lequel les bruits des fermes et des exploitations offrent des fonds sonores particulièrement riches. Enfin, ce support permet d’avoir une discussion détendue car le micro se fait plus facilement oublier qu’une caméra, et instaure une atmosphère plus propice aux confessions. C’est là qu’arrivent les éléments les plus pertinents. La plupart du temps, les agriculteurs sont ravis car c’est une façon de garder un souvenir à partager avec leurs proches. Dans le cadre du Salon de l’agriculture, je réalise le podcast Agricultivez-vous. J’y utilise les avantages de ce support pour toucher le grand public sous forme ludique, en décryptant des questions que l’on se pose tous : le vin rosé est-il fait avec du raisin noir ou blanc ? Pourquoi les bières ont-elles un goût différent ?

La radio est l’un des médias dans lesquels les Français ont le plus confiance, mais reste aussi l’un des plus anciens. Est-elle vouée à disparaître face à l’avènement du podcast ?

La radio rassure puisqu’aucune image ne peut être utilisée pour biaiser les discours qui y sont tenus. En se concentrant sur la voix des intervenants, les auditeurs ont davantage l’impression de s’approprier leurs affirmations, sans se sentir orientés. L’instantanéité de ce média garantit également un côté plus authentique et non retouché. La radio propose aussi des débats plus équilibrés et aux temps plus longs qu’à la télévision ou dans la presse. Enfin, l’alternance des programmes permet davantage de diversification et de richesse de sujets que dans un podcast. Mais ces deux modes d’écoute sont complémentaires : ils ont intérêt à interagir et à fonctionner ensemble. Si les gens aiment écouter la radio dans leur voiture ou pour se réveiller le matin, le podcast est plutôt destiné à approfondir une thématique précise. D’ailleurs, de plus en plus d’émissions de radio lancent leurs propres podcasts, vers lesquels ils renvoient leurs auditeurs selon les sujets abordés. En ce moment, j’écoute notamment les podcasts de fiction des chaînes de Radio France : « Les aventures rocambolesques d’Edouard Baer », « Le trésor d’Almodovar », la série d’espionnage « Projet Orloff » …

>> En parallèle de son podcast, Louise Lesparre accompagne aussi les marques qui souhaitent mettre en valeur leurs agriculteurs. Elle propose notamment aux collaborateurs des formations à l’agriculture avec des séjours immersifs à la ferme. Pour en savoir plus : www.lacledeschamps-podcast.fr

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