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Arme de séduction massive : court ou long ?

Alors que la sacro-sainte règle pour écrire sur le web conseille de faire court ou encore que la jeune génération n’hésite pas dans ses discussions en ligne à utiliser le terrible acronyme « TL ; DR » (Too Long ; Didn’t Read), concluant généralement toute argumentation, de nouvelles formes narratives se développent et ce dans des directions opposées. D’un côté, le scrollitelling qui privilégie le format long et immersif et de l’autre, reprenant des codes plus viraux des informations traitées dans des formats courts.

Le dictat du court est un comportement que Yahoo ! a bien compris. Ainsi, en ce début d’année le portail a lancé, Yahoo News Digest, une application pour iPhone qui résume les faits importants de la journée avec une diversité de typologie de contenu et le tout dans un format rapidement consultable.

Dans cette logique de fournir une information claire, rapide et surtout courte, la BBC a, dans un premier temps, expérimenté pendant un mois un réseau de vidéos au format court depuis le réseau social Instagram. A la base éphémère, cette initiative, nommée Instafax, semble devenir pérenne et propose un décryptage vidéo en quinze secondes d’un sujet d’actualité.

En utilisant Instagram pour diffuser ses formats courts, la BBC souhaite offrir, à travers des contenus plus adaptés aux nouveaux modes de consommation, une expérience agile et surtout faciliter le partage.

Ce projet s’inscrit de plein pied dans ce qu’est l’information sur Internet et adopte ainsi à la base la dimension sociale de l’information. Ce dessein s’inspire d’une start up américaine lancée il y a deux ans et qui a réinventé la télévision. Devenu un véritable média, NowThis News réalise chaque jour une cinquantaine des vidéos de 6, 15 et 30 secondes.

Toujours dans la volonté de réduire l’effort des internautes et de faciliter l’appréhension de l’information en situation de mobilité, la startup Wibbitz, propose de résumer un article écrit en un slideshow animé. La start-up israélienne a été désignée par l’observatoire mondial des innovations numériques, lors du forum Netexplo, l’entreprise la plus innovante de l’année.

Dans un tout autre genre moins technologique mais tout aussi novateur dans l’esprit : dans le cadre des Municipales Francetv info a proposé de suivre la vie des candidats en gifs animés. Ici, on a pu découvrir la vie d’un candidat PS, ou bien là, celle d’un candidat UMP. Sur la question de la pertinence de l’information fournie cette initiative n’apparaît pas des plus adaptées mais sur l’aspect social cependant ces articles ont été largement repris.

Ici, à l’inverse de la concision c’est le temps long de la narration qui est privilégié. C’est avant tout la volonté de proposer autre chose que de « l’ennui » qui anime les « médias ancestraux », pour reprendre l’expression de David Arabov directeur de Elite Daily,  lors de la conférence DLD,  à investir de nouveaux horizons narratifs. Ainsi, le scrollitelling séduit de plus en plus de médias. Le  scrollitelling est la contraction du mot verbe scroll, qui signifie défiler,  et du verbe tell, qui lui signifie raconter. Scrollitelling est donc le fait de raconter des histoires déroulantes, soit un dérivé numérique du très célèbre « storytelling ». Cette nouvelle forme narrative s’explique par l’augmentation de la consommation de l’information depuis des smartphones ou tablettes où le scroll se fait de façon naturelle.

Le premier titre à s’emparer du phénomène est le Guardian qui, dès 2013, choisit ce format pour illustrer les âpres batailles sportives que se sont livrées l’Angleterre et l’Australie.

Ce format se veut alors immersif et riche, une plongée dans un univers très documenté, qui propose une prise de recul et qui impose un lâché-prise face au rythme infernal de l’information.

En France, les exemples ne manquent pas. Pour continuer dans le sport, c’est L’Equipe qui a lancé son offre de scrollitelling baptisée « Explore ». Le quotidien définit son support, riche de  portrait en photos, vidéos, textes, comme « du grand reportage numérique, interactif, multidimensionnel».

Dans la presse toujours, il y a les initiatives de La Voix du Nord, avec un reportage sur Marseille, et du Midi Libre, pour une histoire déroulante consacrée à la difficile réalité d’immigrés ayant fuit leur pays pour une vie espérée plus facile.

Deux radios se sont également amourachées du scrollitelling. France Inter l’a récemment utilisé pour illustrer la bataille de Paris mais également France Info pour raconter le quotidien de 4 agriculteurs connectés avec le titre évocateur Mon veau s’appelle Hashtag.

Si les acteurs français semblent privilégier des supports propriétaires, de  nombreux outils existent pour réaliser ce type de reportages immersifs.

Ainsi, le Guardian a opté pour Shortland, il existe également Creativist ou encore Racontr, toujours en version béta.

Cette nouvelle tendance semble ainsi aller à contre-courant de la consommation de l’information moderne où tout doit aller plus vite, être compris rapidement.

Ainsi, avec ces deux typologies de formats narratifs qui apparaissent antagonistes mais qui pour autant fonctionnent, la seule arme de séduction massive répondant à l’ambition des médias, à l’instar de toute entreprise, qui souhaitent être vus, lus et partagés voire recommandés, est, peu importe le format, la qualité !

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