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Hugues Sibille : « ESS et RSE sont deux concepts complémentaires mais différents »

Comment l’ESS a-t-elle évolué en France ces dernières années ?

La dernière décennie a été nettement positive pour l’ESS française. Une loi cadre votée en Juillet 2014 lui a donné une reconnaissance politique, un périmètre bien établi et d’avantage de sécurité juridique. Sa notoriété et son image ont nettement progressé, révélant une forte attente d’ESS en France. Deux exemples : les jeunes diplômés des grandes écoles expriment un désir de travailler dans l’ESS et le mois de l’ESS (Novembre) a vu un nombre croissant de manifestations en France et de participants. L’ESS apparaît comme une économie d’avenir ce qui se traduit aussi par l’augmentation du nombre de créations d’entreprises ESS innovantes. Enfin, elle se structure à travers la création d’ESS France qui a vocation à être la grande structure de représentation unitaire dont l’ESS a besoin.

 

Quel impact la crise sanitaire et le confinement ont-ils eu sur l’ESS? 

Il est trop tôt pour mesurer vraiment l’impact. On aura une idée plus précise début 2021. Comme pour toutes les PME, sur le plan économique, il y a un effet retard. Certains secteurs de l’ESS comme le secteur culturel (spectacle vivant), le tourisme, les Ehpad, les petites associations vivant des cotisations des membres et avec peu de trésorerie (secteur sportif), etc. prennent le Covid de plein fouet. Il y a eu des difficultés au départ pour l’ESS à bénéficier des aides de l’Etat (prêt garanti PGE , chômage partiel..) puis les choses sont rentrées progressivement dans l’ordre. Dans tous les cas il y aura un effet négatif sur l’emploi, en rappelant que l’ESS au sens de la Loi de 2014 emploie 2,3 millions de salariés.

En positif l’ESS a fait la preuve de son utilité sociale et de sa capacité de solidarité. C’est notamment vrai dans le secteur de la santé, de la mutualité, des personnes âgées, du soutien scolaire, de l’alimentation… L’ESS a su faire preuve de beaucoup d’innovation sociale et dans l’ensemble a été capable d’adapter ses modes de fonctionnement, en particulier l’usage des technologies interactives et le télétravail. Les Assemblées générales se sont tenues ! Mais quel choc! Il me semble en même temps que des enjeux mis à jour par la crise sanitaire, comme la relocalisation d’activités en France (relire notre article consacré au Made in France), les circuits courts, l’économie circulaire, la coopération locale des acteurs, la recherche d’utilité sociale…vont profiter à l’ESS.

 

Avec la nomination d’Olivia Grégoire en juillet 2020, le Gouvernement a rattaché le Secrétariat d’Etat à l’Economie sociale, solidaire et responsable au Ministère de l’économie. Cela marque-t-il un tournant ? Qu’espérez-vous d’une telle nomination ?

C’est une double bonne nouvelle. Tout d’abord, le fait  qu’il y ait un ministre du Gouvernement en charge de l’ESS. Ensuite, qu’il soit rattaché à Bercy, puisque c’est là que les choses se jouent et que les décisions sont prises. Ceci étant, il faudra montrer qu’on ne reprend pas tout à zéro et montrer aussi que ESS et RSE sont deux concepts complémentaires mais différents. Le Conseil Supérieur de l’ESS a établi en Juillet 2020 un rapport sur les enjeux de l’ESS, qui fourmille de propositions très concrètes et immédiates et qui font consensus dans le secteur. Le gouvernement peut très rapidement en promouvoir certaines. Par ailleurs, il y aura des enjeux européens importants avec la préparation pour 2021 d’un plan européen en faveur de l’ESS, piloté par le commissaire Luxembourgeois Schmit qui croie vraiment en l’ESS comme porteuse d’un modèle européen de développement.

 

A une époque où les consommateurs sont de plus en plus en quête de sens l’ESS peut-elle répondre à ces attentes ? 

En tant que président du Think tank de l’ESS et personnalité engagée depuis longtemps en faveur de cette forme d’Economie qui allie la recherche d’efficacité avec la solidarité, la participation, la recherche d’une société plus inclusive, juste et durable, je le crois profondément.

Oui l’ESS peut et doit répondre aux attentes. Elle est fille de la nécessité ! La crise du Covid révèle, après la crise climatique, les limites de notre modèle de croissance. L’ESS est bien placée dans l’invention de nouveaux modèles, en particulier si elle développe des stratégies de filières à haute utilité sociale et des écosystèmes territoriaux plus résilients. L’ESS doit mener et gagner de manière consensuelle au plan des idées, la bataille des idées économiques, comme l’écologie est en train de gagner la bataille des idées politiques.

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