• 13 novembre 2015
  • 3  min

YouTube vs télévision : l’incompréhension demeure

Le 24 octobre 2015, Laurent Ruquier recevait la YouTubeuse Natoo dans son émission On n’est pas couché. Face à elle, les chroniqueurs Yann Moix et Léa Salamé ont présenté un argumentaire qui pose un certain nombre de questions sur la compréhension du phénomène des stars du web.

Selon les chroniqueurs, la popularité de Natoo et de ses comparses n’existe qu’au sein du public adolescent.  En effet, sur les réseaux sociaux, les adolescents ont plutôt tendance à échanger avec leurs amis qu’avec leurs parents. Mais est-ce pour autant un phénomène nouveau ? Avant de devenir des phénomènes planétaires, les One Direction ou Taylor Swift étaient eux aussi surtout connus des adolescents avant que leurs parents ne s’y intéressent. Il en va de même pour des acteurs de films visant un jeune public comme le casting de Twilight ou de High School Musical en leur temps.  La construction de la culture des adolescents, avec ses stars et ses codes s’est toujours faite avec une volonté de se détacher de la génération précédente. Avec le web, seul le médium change. Mais cette analyse occulte bon nombre de chaines YouTube. Des contenus dédiés notamment à la vulgarisation scientifique s’adressent à un public plus large, voire plus âgé et rencontrent eux aussi du succès sur la plateforme vidéo de Google. Nous en présentions déjà plusieurs dans un précédent article.

« De manière générale, cette société voyeuriste où on crée des fausses popularités sur des gamines de 12 ans qui peuvent être ultra-fragiles. Si vous êtes parent, est-ce qu’on doit flipper de voir ça ? » demande Léa Salamé.

Il est vrai que ces stars du web nées de leur travail et de l’adhésion du public peuvent donner envie aux adolescents de s’exposer pour tenter à leur tour d’atteindre la célébrité. Si cette pratique génère des risques de mettre parfois des personnes fragiles face aux critiques et aux injures, est-ce pour autant seulement la responsabilité des YouTubeurs à succès ? De même que face à un film violent, ou à la pratique du jeu vidéo, les parents se doivent de suivre la manière dont les productions culturelles impactent leurs enfants et  de les accompagner vers une consommation éveillée. Remarque d’ailleurs aisément transposable à la télévision avec des programmes critiquables comme les émissions de télé-réalité.

Les chiffres des chaines cultes du web donnent le tournis aux médias traditionnels.  Avec plus de 1 800 000 abonnés, Natoo bénéficie d’une audience conséquente et sa vidéo la plus regardée dépasse les 9 000 000 de vues. Dans son analyse, Laurent Ruquier semble déjà confondre nombre de vues et nombre de viewers quand il déclare « Mais ça veut pas dire qu’il y a neuf millions de Français qui vous connaissent ! ». Une incompréhension complétée par celle de Yann Moix lorsqu’il évoque des robots cliqueurs selon lui indétectables. « Comment vous-faites pour distinguer un doigt et une machine ? ». Et bien justement, YouTube le fait très bien, c’est même une question de survie pour son modèle économique qui rémunère les vidéos au clic. La critique suivante établit un parallèle entre ces vues et les entrées d’un film. Le présentateur précise que tous les gens qui ont vu la vidéo ne l’ont pas forcément aimée alors qu’au cinéma les gens payent leur place. Pourtant, nous avons tous un jour payé une place de cinéma pour un film que nous n’avons pas aimé et qui nous a éventuellement conduit à quitter la salle, tout comme nous regardons parfois des vidéos sans être captivé.

Cette interview met en exergue une incompréhension entre deux mondes que l’on cherche bien trop souvent à comparer sans tenir compte de leurs différences. Quoi de commun entre l’audience d’une émission diffusée une seule fois ou d’un film à l’accès payant, avec une vidéo YouTube libre d’accès et consultable pendant des années ? Peut-on s’offusquer des revenus des stars du web plus que de ceux des acteurs de cinéma alors qu’ils sont tous dans le monde du divertissement ? C’est peut-être parce qu’ils sont nés spontanément  et qu’ils ont été choisis par le public qu’ils sont aujourd’hui mal compris (si ce n’est mal acceptés) par le système médiatique classique. Pourtant en 2015, établir une échelle de valeur entre les médias, est un non-sens. Il y a autant de variété dans les chaines YouTube que dans les émissions de télévision ou dans la production cinématographique. Si la critique d’une œuvre est possible, celle du médium est bien plus risquée. La consommation est aujourd’hui multicanale. YouTube n’est (pas encore) prêt à détrôner la télévision. Alors que certaines émissions continuent de porter un regard condescendant, d’autres ont su déceler le potentiel des Youtubeurs et n’hésitent pas à travailler avec eux pour de nouveaux programmes.

 




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