• 1 octobre 2015
  • 2  min

Nicolas Bouzou : « Nous refusons d’étudier rationnellement les solutions à nos problèmes »

Economiste et essayiste français à l’avis aiguisé sur la politique économique de notre pays, Nicolas Bouzou ne manque pas d’intervenir régulièrement dans les médias. Après trois ans de présentation d’une chronique quotidienne dans la matinale de Canal Plus puis sur I-Télé dans la Team-Toussaint, il est un contributeur fréquent du Figaro, des Echos ou encore du Financial Times. Après la publication de deux ouvrages en 2015, nous sommes allés à sa rencontre…

Après « Pourquoi la lucidité habite à l’étranger ? », vous venez juste de publier un nouvel ouvrage « Le grand refoulement », dans lequel vous expliquez notamment que la France « perd la raison ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Pour moi, la dépression française trouve son origine, non pas dans le mauvais fonctionnement de l’économie, qui est une conséquence, mais dans la crise de la démocratie. Cette crise est en réalité une crise du rationalisme qui rompt avec la tradition française du débat public du 17ème à la fin du 19ème siècle. Nos débats sont désormais gouvernés quasiment exclusivement par les passions démocratiques que sont la jalousie et surtout la peur de l’avenir. En conséquence, nous refusons d’étudier rationnellement les solutions à nos problèmes, en particulier dans les domaines de l’emploi et de l’éducation. C’est ce phénomène que j’appelle le grand refoulement, et qui a des conséquences jusque dans la psychologie de nos concitoyens.

Vous expliquez que l’opinion publique n’est pas demandeuse de réformes,  pire qu’elle est dans le refoulement. Qu’il y aurait également un problème de confiance. Ne pensez-vous pas qu’il puisse aussi s’agir d’un problème de communication ?

Oui mais essentiellement d’un problème de communication de la sphère intellectuelle. Bien sûr on aimerait que les politiques montrent un chemin, bâtissent un récit et mènent de bonnes politiques. Mais ils ne sont pas incités à le faire si le public ne le demande pas. C’est pourquoi les intellectuels et tous les corps intermédiaires doivent mener et organiser des débats, pour contribuer justement à retrouver la raison démocratique que nous avons perdue. J’aime le romantisme dans le domaine des arts, mais en politique je déteste ça car cela mène aux extrémismes de droite comme de gauche que j’exècre par-dessus tout.

Vous dites « La France est devenue un pays de passion », contrairement à l’époque des Lumières et du débat raisonné. Selon vous, est-ce propre à notre temps ou est-ce plus structurel ?

C’est consubstantiel à la démocratie comme l’a montré Tocqueville. Mais il y a des moments où la passion emporte tout. Nous y sommes. C’est pourquoi il faut reconstruire des corps intermédiaires, des lieux de débat et de consensus. La crise française est institutionnelle : le Président de la république est quasiment en relation directe avec les électeurs. Le gouvernement, le Parlement, les collectivités locales et les syndicats sont très faibles. C’est très malsain car cela personnalise à outrance. Une grande partie des Français ne font plus rien qu’attendre l’homme ou la femme providentielle.

Après votre participation au groupe de réflexion baptisé Keyser Söze, initié par Jaques Attali, pour travailler sur les réformes de l’administration, avez-vous d’autres actualités/projets à partager avec nous ?

Oui j’ai monté le Cercle de Belém, qui regroupe des intellectuels européens comme l’économiste tchèque Josef Montag, l’historien italien Stefano Adama ou mon ami le philosophe et artiste grec Demosthenes Davvetas. Je veux contribuer à construire un espace public européen, avec une voie d’expression européenne. Nous devons aller au-delà des expressions nationales, finalement assez étriquées.

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