• 7 janvier 2021
  • 3  min

Gilles Vanderpooten : « Le journalisme de solutions est une enquête à spectre large »

Alors que l’année 2020 a charrié son lot d’informations anxiogènes, 2021 constituerait-elle un tournant pour les médias dans leur façon de couvrir l’actualité ? Magazine So Good (dont Wellcom est partenaire), Libé des Solutions, Fil Good du Monde, de nombreuses initiatives lancées récemment par de grandes rédactions nationales ambitionnent de diffuser une information plus positive, porteuse d’espoirs, et de mettre en avant des solutions. Gilles Vanderpooten, Directeur général de l’ONG Reporters d’Espoirs, et auteur de l’ouvrage Imaginer le monde demain : le rôle positif des médias, dont l’organisation milite depuis plus de 15 ans pour cette nouvelle façon de couvrir l’actualité, est notre invité pour en parler. 

Comment est née l’ONG Reporters d’Espoirs ?

Tout est parti d’un voyage de Laurent de Cherisey. Embarqué dans un tour du monde de 18 mois avec sa famille, il a rencontré des populations qui multipliaient les initiatives pour remédier à leurs difficultés. Au milieu du chaos, des esprits redoublaient de créativité pour trouver des solutions, et pourtant on n’en entendait pas parler dans les médias. Il a souhaité regrouper des journalistes désirant changer les choses. Reporters d’Espoirs était né ! Depuis 2004, nous faisons le tour des rédactions pour promouvoir notre vision d’un journalisme de solutions et nous remettons chaque année plusieurs prix, dont le Prix européen du jeune reporter francophone pour lequel les inscriptions sont ouvertes jusqu’au 15 mars. 

Comment définiriez-vous ce « journalisme de solutions » ?

Ce n’est pas faire du journalisme de « Boy scouts », comme on nous l’a reproché à nos débuts. Beaucoup de journalistes étaient réfractaires à cette idée car ils pensaient qu’on ne voulait parler que de bonnes nouvelles et donc passer sous silence ce qui ne va pas. Ce n’est pas l’idée. Il s’agit de mettre en avant les associations, organisations, individus, qui s’engagent pour faire changer les choses. C’est par exemple raconter comment des villages du sud de l’Italie s’organisent pour tenir tête à la mafia. Il ne s’agit pas de ne pas décrypter le système mafieux, mais d’en parler sous un autre angle. Une journaliste danoise, qui couvre l’actualité sociale, m’expliquait récemment qu’elle avait changé sa façon d’interviewer les personnes sans domicile fixe. En plus de leur demander à quel point était difficile la ville dans la rue, elle s’est mise à les interroger sur la façon dont ils s’en sortaient malgré tout. Cela n’enlève rien à la difficulté de la situation. En somme, le journalisme de solutions est une enquête à spectre large : traiter des problèmes et des réponses.

On a le sentiment que les mentalités ont changé : de la télévision à la presse écrite, tous les médias se lancent dans cette information moins anxiogène. Quel regard portez-vous sur cette évolution ?

C’est extrêmement révélateur d’une part de la conception qu’ont les journalistes de leur métier. Quand on voit que même une institution comme Le Monde a lancé en janvier son « Fil Good », une newsletter qui « raconte ce qui va bien », on se dit qu’il y a un tournant. D’autre part, il y a une demande de la part des Français. Quand on les interrogeait il y a 20 ans, ils étaient 80 % à déclarer que le travail du journaliste était de rapporter des mauvaises nouvelles. Aujourd’hui tout a changé : l’enquête « Ma télé, ma radio, demain » de France Télévisions et Radio France de 2018 a révélé que 82% des gens étaient en attente d’initiatives positives.

Qu’est-ce-qui explique ce basculement ?

Difficile d’être catégorique, mais on peut trouver des explications du côté du trop-plein d’informations auquel nous sommes exposés. Il y a 20 ans, il fallait acheter son journal ou se mettre devant son poste de télévision à 20h pour suivre l’actualité. Désormais, l’information est accessible partout, tout le temps. Les réseaux sociaux sont des espaces qui ne laissent que peu de place à la bienveillance, au fond, à la réflexion, tout s’emballe et on cède à la polémique à tout va. Également, les préoccupations des Français ont changé : les enjeux liés au réchauffement climatique arrivent en tête et cette perspective n’a rien de réjouissant. Il y a donc un besoin d’entrevoir des solutions, des idées innovantes qui permettent d’ajouter un peu de lumière à un environnement assez sombre. C’est à ces questionnements que le journalisme de solutions entend répondre.

De plus, commercialement, nous avons pu montrer qu’à certaines conditions, ça marche. Audiences, taux de partage, fidélisation, voire nouveaux annonceurs… Une journaliste m’a dit un jour « pour nous, c’est à la fois une satisfaction morale et une satisfaction commerciale, le rêve ! ».

 

Pour en savoir plus sur le journalisme de solution, rendez-vous sur www.reportersdespoirs.org

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