• 2 octobre 2014
  • 4  min

« Moi », « Beau » et « Méchant »

C’est en ces termes qu’il convient de définir les Français en 2014.

Ces enseignements sont extraits du Baromètre des Valeurs des Français (BVF) de TNS Sofres publié fin septembre, réalisé tous les deux ans depuis 1990 et obtenu à partir de la Sémiométrie, méthode propriétaire de l’institut. Cette dernière consiste en la notation, sur une échelle de -3 à +3, par un large panel de plus 5 500 Français, d’une série de 210 mots, considérés comme sémantiquement stables. Après analyse, ces mots sont placés au sein d’un mapping composé de deux axes en fonction de leur progression ou de leur régression. En ordonnée, les mots sont organisés selon qu’ils connotent l’attachement ou le détachement et en abscisse, les mots dénotant le devoir ou le plaisir. Sur cette cartographie apparaît alors un profil psychologique des Français qui structure leur imaginaire et leurs opinions en fonction des valeurs auxquelles ils accordent de l’importance.

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Cartographie du BVF 2012

Ainsi, en 2014, alors que la sortie de crise semble toujours s’éloigner, que le chômage ne cesse d’augmenter à l’instar des impôts, les Français apparaissent plus déterminés et audacieux et ce même dans leur rapport à l’argent :

– Les mots en hausse par rapport à 2012 : « Victoire », « Richesse », « Or », « Argent », « Propriété », « Héritier », « Acheter » et « Bijou »;
– les mots en baisse : « Justice », « Loi », « Obéir », « Sacrifice », « Règle », « Mort »,  « Angoisse », « Danger », « Soigner ».

Les Français passent alors de « Faire avec » en 2010 et « Faire sans » en 2014 à  « Moi », « Beau » et « Méchant ». Une évolution qui trouve ses racines dans cette liste, non exhaustive, de mots, et qui permet d’identifier 10 tendances pour comprendre les aspirations des Français. Dans cet article, 3 d’entre-elles sont détaillées.

La première correspond à ce que TNS Sofres intitule « Self Autorisation ». Cette tendance est une véritable continuité par rapport 2012. En effet, il y a deux ans, l’alternatif et le corrosif devenaient mainstream . Cette année, les Français vont plus loin, ils transgressent. Plus exactement, ils s’arrangent avec la règle pour déculpabiliser leur comportement quotidien. Ce petit accommodement avec la norme n’a donc qu’un objectif purement personnel et non collectif. Il n’est, ici, point question d’améliorer le quotidien de tous par une évolution tangible de la règle. Cette tendance s’applique bien évidemment dans le rapport aux marques. Ainsi, le consommateur est conscient de l’impact de son choix sur la planète, la société ou lui-même. Cependant, incapable ou non volontaire pour changer son comportement, le consommateur est donc à la recherche de produits lui procurant une forme d’indulgence dans sa consommation. Une tendance qu’identifiait TrendWatching, en fin d’année dernière, et qu’il baptisait « Free Guilt Consumption »

Deux exemples pour expliciter cette première tendance.

Pour une part de la population toujours plus importante, il est impossible de se passer d’un Smartphone. Cependant, les fabricants de Smartphones utilisent un minerai qui est la cause d’une guerre civile au Congo. Pour permettre au consommateur d’assouvir son besoin de téléphone intelligent la marque Fairphone a lancé son propre téléphone. Un téléphone dont l’éthique de l’ensemble des composants est contrôlée et répond à un cahier des charges  équitable.

Une tendance qui a atteint l’univers de la mode avec la création en 2012 de HonestBy, première marque 100 % transparente tant sur sa politique prix que sur ses moyens de fabrication.

La deuxième tendance, issue du BVF, correspond à “T’es cap”. Ici, il est question de se mettre en danger pour se sentir vivant. Repousser ses limites, se lancer soi-même des défis, rechercher des sensations fortes pour ressentir à n’importe quel prix la liberté.

C’est le phénomène des défis sur Internet et notamment sur Facebook qui illustre cette tendance. Les Neknominations ou encore le Balconing sont autant d’exemples où les internautes se sont mis en danger à travers des défis véritablement dangereux. Côté marque, c’est bien évidemment Red Bull qui incarne cette tendance depuis des années.

Enfin, la troisième tendance mise en avant par TNS Sofres, concerne un rapport de plus en plus décomplexé à l’argent et à la recherche de profit. Une tendance que l’institut a sobrement nommée « De l’or ». Les signes extérieurs de richesse s’affichent. Cette tendance provient du fait que la crise dure et les Français sont las d’espérer sa fin. Ils préfèrent, aujourd’hui, le plaisir immédiat.  Une réalité qui se traduit dans les différents succès au cinéma pour des films comme « Le loup de Wall Street ».

Le caractère individuel semble être le point commun entre ces trois tendances. Pour l’institut, cet individualisme s’explique par l’utilisation, aujourd’hui généralisée, d’Internet. D’après Thibaut Nguyen, directeur du développement-quali stratégie de TNS Sofres, qui explique ce point dans une interview accordée à Influencia,  Internet « est l’outil de l’autonomie, le moyen de faire autrement, de passer outre. Avec lui l’individu saute dans sa barque et s’entraine à y rester. Les réseaux sociaux grâce aux selfies, snapchats, tweets et autres posts permettent de se réassurer sur sa capacité à sortir du groupe, à être indépendant, à exister en se faisant de la publicité et à valoir quelque chose puisqu’on est suivi. Mais aussi à être ensemble. L’évolution du digital est tout à fait cohérente avec le contexte dans lequel s’inscrivent les Français et il va être de plus en plus agrégé comme un moyen de contrôle et d’action ».

A travers ces trois tendances, « Self Autorisation », « T’es cap » et « De l’or », c’est le recul du collectif qui est le plus intéressant à constater. Cette valeur, qui a pourtant toujours été une valeur refuge, encore définie comme telle par Sociovision en Janvier dernier, est dépossédée de son statut. De même, selon l’Index International des valeurs corporate de 2013 publié par l’agence Wellcom, où l’esprit d’équipe apparaissait encore pour les entreprises comme une réalité, l’entreprise étant perçue comme génératrice de communauté.

Alors que depuis quelques années se développe l’économie du partage où le collectif semblait être la nécessaire solution, la lecture positive de cette nouvelle forme d’économie apparait finalement avoir vécu et laisse place à une toute autre lecture. L’économie collaborative n’est donc pas la mort du capitalisme mais bien au contraire son évolution la plus pernicieuse où chacun tente de tirer profit de ce qu’il possède…

A vous de choisir votre grille d’analyse… entre optimisme et réalisme.

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